Erreur ou mensonge?

Publié le par janic

ERREUR OU MENSONGE ?

 

 

            Une accusation de mensonge est suffisamment grave pour qu’on ne doive pas la porter à la légère. Accuser faussement, c’est se placer dans la même situation qu’un menteur, et donc devenir menteur soi-même. Certains tribunaux ont essayé d’éviter cet écueil en faisant jurer, celles et ceux venant témoigner, en espérant qu’engager son honneur devant les hommes et devant Dieu serait suffisamment dissuasif pour inciter à dire la vérité.

Encore faut-il croire à l’honneur et en Dieu !

Ceci devient d’autant plus délicat quand les menteurs le sont au nom de Dieu lui-même ! Sur quelle autorité supérieure s’engageraient-ils pour se sentir contraints à dire la vérité, puisqu’il est supposé ne rien exister au-dessus de Dieu ? D’autant que ces hommes de religion sont supposés ne dire que la Vérité.

Donc, avant d’accuser une personne ou un système d’être mensonger, encore faut-il savoir ce qu’est le mensonge et comment on le distingue de l’erreur.

Essayons de nous y retrouver à partir de quelques exemples :

A la fin du mois, le comptable établit le chèque de votre paye. Malheureusement, il se trompe d’un petit zéro de rien du tout ; à votre désavantage bien sûr. En un mot, vous allez toucher le dixième de votre salaire. Il y a une erreur, dites-vous !

De ce pas, vous allez donc voir votre comptable. Malheureusement, l’homme de comptes refuse de reconnaître son erreur et persiste en vous assurant que son calcul est exact. D’ailleurs, il ne se trompe jamais. A ce moment-là, vous direz plutôt que c’est un mensonge.

L’erreur n’est pas intentionnelle ; le mensonge l’est. La nuance est faible quand elle ne tient qu’à la vanité humaine.

Laisserez-vous passer la chose ou allez-vous réclamer que justice soit faite et que l’erreur (ou le mensonge) soit réparé ? Ou bien pardonnerez-vous et vous contenterez-vous d’un dixième de votre salaire, au risque que le comptable, persuadé d’avoir raison, ne continue à vous verser tous les mois cette portion congrue plutôt que de reconnaître qu’il s’est trompé ?

Au christianisme aussi s’applique cette règle : Faire des erreurs, les transformer en mensonges et refuser de reconnaître les unes comme les autres. Et encore, en supposant qu’au départ ce ne fut bien qu’une erreur. La frontière entre erreur et mensonge est en effet si ténue qu’il peut être difficile de faire la part des choses.

Ainsi, pour les besoins de la cause, dus-je me mettre au grec (oh, pas en spécialiste, bien sûr !) en utilisant une Initiation au grec du nouveau testament, dont voici quelques extraits, édifiants à plus d’un titre. Ils permettent d’une part de comprendre la façon littérale dont j’ai rendu dans mon livre les textes grecs. D’autres part, ils mettent en lumière l’indécrottable parti pris dont peut faire preuve un chrétien dans l’exercice de ses fonctions :

 

1° - Les noms de personnes peuvent prendre l’article en grec, mais celui-ci est facultatif. On dit indifféremment THEOS ou Ô TEOS pour traduire Dieu (l’un et l’autre peuvent signifier « un dieu » ou « le dieu »).

2° - L’article ne s’emploie pas devant l’attribut ; on peut dire en français : « La parole est un dieu » ou « La parole est Dieu ». Le grec dit THEOS ESTIN Ô LOGOS qui peut avoir l’un ou l’autre sens (selon que le contexte indique que l’auteur croit en un seul ou en plusieurs dieux)…

 

Nous venons donc de voir que THEOS se traduit par dieu et alors que le terme KURIOS se traduit, lui, par seigneur. Et pourtant, ce même auteur écrit quelques pages plus loin :

 

Ainsi KURIE, SOZEIS = « Dieu, tu sauves. » ou O KURIE, SOZEIS = « O Dieu, tu sauves. »

 

Pas besoin d’être helléniste pour se rendre compte que KURIE (venant de KURIOS) se traduit par seigneur et non par Dieu. Cependant, comme il l’a exprimé juste avant, l’auteur croit que Seigneur est équivalent à Dieu et traduit donc selon sa croyance et non selon la signification du mot. Fait-il une erreur de traduction ? Traduit-il pour tromper volontairement son lecteur ? En tant que croyant, non, puisqu’il croit que les deux mots ont la même signification. En tant que linguiste, oui, puisque la grammaire exclut toute croyance personnelle.

Ainsi le discours chrétien est-il à la fois bénéficiaire et victime de cette attitude où les traducteurs –généralement chrétiens eux-mêmes[1]- font passer leurs croyances au travers de leur façon de traduire.

 Ceci est remarquable pour la traduction du mot THEOS = dieu. En grec, le mot THEOS s’écrit avec une minuscule puisqu’il s’agit d’un qualificatif et non pas d’un nom propre. L’honnêteté intellectuelle aurait voulu que tous les THEOS du Nouveau Testament soient traduits avec une minuscule. Mais les traducteurs croient, eux, que ces dieux en minuscules se réfèrent au Dieu avec majuscule, le créateur lui-même, et que ce serait manquer de respect à ce nom[2] que de lui laisser une minuscule. Donc dieu devient Dieu comme monsieur (mon seigneur) est devenu Monsieur.

L’intention est louable, mais pose problème lorsque l’utilisation de ce vocable est trop imprécise pour savoir de qui l’on parle. S’agit-il du dieu YHWH de l’Ancien Testament ? Ou bien du dieu Jésus du Nouveau Testament ? Et même les deux sont-ils confondus en un seul, selon les croyances de beaucoup de « chrétiens » ?

Cet aspect sera évoqué plus loin dans cet ouvrage. Mais cela interroge sur le moment où les traducteurs passent de la neutralité grammaticale à la prise de position religieuse. Quand font-ils simplement une erreur et quand imposent-ils leur idée au détriment de la vérité du mot ?

Parfois, il s’agit de modifications mineures, sans conséquences théologiques apparentes, comme dans le texte de Jean 2 : 1-11, aux noces de Cana, lorsque l’eau est transformée en vin :

Portez-en [du vin] au maître du repas. Ou à l’ordonnateur du repas, ou au maître de la fête, ou encore au maître d’hôtel, car chacun y va de sa propre interprétation.

Or, le terme grec d’ARKHITRIXLINOS signifie littéralement serviteur de la table à trois lits. On est loin des traductions (honnêtes ?) françaises. Celles-ci tronquent le texte d’une dimension sociale particulière à cette époque. A savoir que les invités étaient allongés autour d’une table carrée ou rectangulaire, avec accès sur le quatrième côté. Cette nuance particulière pourrait concerner, par exemple, l’ultime repas du Christ, que l’on peut supposer s’être déroulé dans les mêmes conditions. Ceci pourrait du même coup remettre en cause certaines représentations erronées de ce qu’on a appelé la Cène.

Maints passages du Nouveau Testament subissent cette influence de traducteurs peu pointilleux au regard de l’exactitude grammaticale ou lexicale, une approximation leur paraissant suffisante. Et je passe aussi sur les traductions modernes qui, sous couvert de rendre le texte plus clair, se livrent à gogo à ce genre de gymnastique interprétative quelquefois douteuse. D’autres exemples en seront donnés dans cet ouvrage.

Le mensonge fait donc tellement partie du paysage quotidien que rares sont ceux qui arrivent à le percevoir là où il se cache. Ca part du petit mensonge de rien du tout, comme faire croire au Père Noël, faire répondre au téléphone que l’on est absent pour ne pas répondre à un gêneur, affirmer que l’on a pas dépassé la vitesse prescrite, cacher quelques revenus à son percepteur, cacher son état à un malade, affirmer que l’on n’a pas trompé son conjoint, que l’on n’a pas assassiné la vieille dame. Et vous remarquerez que –pour les adultes- seuls les enfants n’ont pas le droit de mentir…à leurs parents.

Le but, entre autres, de cet ouvrage est d’aider à comprendre comment une démarche de foi s’est progressivement transformée en un système de croyances dans lequel l’erreur a laissé place au mensonge, au détriment de ce que Christ appelait…LA VERITE.


Extrait de mon livre "Erreurs ou mensonges des christianismes"

[1]  Ils ne sont pas les seuls dans ce cas, bien sûr…

[2] Pour la petite histoire ; le tétragramme hébreux YHWH ayant cessé d’être prononcé par les israélites (pour ne pas profaner ce nom), ceux-ci, comme les pagano-chrétiens, durent utiliser des substituts. L’Elohim hébreu devenant THEOS en grec, puis dieu en français et l’Adonaï hébreu devenant KURIOS en grec, puis seigneur en français. Il n’en reste pas moins vrai que THEOS, et donc sa traduction dieu doivent être lus comme des qualificatifs et pas des noms et, en conséquence, écrits avec une minuscule.

Publié dans bible

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H
Parfois, nous sommes trompés par la nature....<br /> Merci pour votre article !
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